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02 Dec

Hosni Moubarak est acquitté et la révolution égyptienne enterrée

Publié par SAIDICUS LEBERGER  - Catégories :  #EGYPTE

Hosni Moubarak
Hosni Moubarak

C’était le dernier espoir qu’entretenaient les insoumis des bords du Nil. Après avoir été brutalement chassés de la place Tahrir, après avoir déchanté sous le règne de Morsi le frériste, après avoir perdu leur droit de manifester avec le nouveau président Sissi, ils s’accrochaient discrètement au rêve de voir l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, âgé de 86 ans, enfin condamné pour la répression sanglante du soulèvement de 2011 qui mena à sa chute.

Samedi, comme un dernier clou qu’on enfonce dans le cercueil de la révolution, un tribunal du Caire a abandonné l’accusation de complicité de meurtres qui pesait contre l’ex-raïs du Caire. Il l’a également blanchi des accusations de corruption dont il faisait l’objet. «C’est une énorme claque. Je suis sous le choc», s’emporte Khaled Abdoul Hamid, cofondateur du Front révolutionnaire, une mouvance de gauche très active pendant la révolte.

Dans le procès pour complicité de meurtres, sept hauts responsables de la sécurité, dont l’ex-ministre de l’Intérieur de Moubarak, Habib al-Adly, ont également été acquittés. L’ex-chef d’Etat, qui régna pendant trente ans d’une main de fer sur l’Egypte, devrait néanmoins rester en détention dans un hôpital militaire pour finir de purger une peine de trois ans de prison dans le cadre d’une autre affaire de corruption.

A l’annonce du verdict, diffusé en direct à la télévision, les deux fils d’Hosni Moubarak, Alaa et Gamal, ont embrassé sur le front l’ex-président. Les accusations qui pesaient contre eux ont également été abandonnées. Fidèle à son visage de cire, épuré du moindre signe d’émotion, Hosni Moubarak se serait, selon la presse locale, contenté de dire: «J’ai la conscience tranquille. Je n’ai jamais donné aucun ordre pour tuer les manifestants.»

Présents dans la salle du tribunal, située dans une académie de police, les journalistes pro-Moubarak ont laissé éclater leur joie à l’annonce de l’acquittement, en scandant: «Dis la vérité, sois audacieux, Hosni Moubarak est innocent!» Pour Farid el-Deeb, son avocat, ce verdict «prouve l’intégrité» du régime de l’ancien président.

Mais la nouvelle a aussitôt provoqué une onde de choc dans les milieux révolutionnaires. En fin de journée, un petit millier de téméraires ont rallié les alentours de la place Tahrir avant d’être rejoint par des partisans des Frères musulmans. L’épicentre de la révolution, au cours de laquelle plus de 800 personnes ont été tuées, avait préalablement été quadrillé par les militaires. Dans la nuit de samedi à dimanche, deux personnes sont mortes lors d’échauffourées entre protestataires et forces de l’ordre.

Désabusés, les opposants libéraux dénoncent une «justice à deux vitesses» qui condamne aisément un manifestant à 15 ans de prison, tout en innocentant un ex-tyran. «Vu que le système judiciaire n’a pas changé, je m’attendais malheureusement à un tel verdict», observe Sameh Ahmed, porte-parole des étudiants du parti d’opposition Dostour au sein de l’Université du Caire: «Aujourd’hui, notre problème, ce n’est pas Moubarak, c’est l’Etat profond qui subsiste: dans la justice, la police et l’armée

Delphine Minoui
(Le Temps.c
h)

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